« Penelope, it's empty in the valley of your heart »

« Quelle délicieuse surprise. Tu es bien plus exquise que dans mes souvenirs. » Elle lui tournait le dos. Elle ne le connaissait que trop bien. Il s'approcha. On ne perçut que le martellement des talons de ses Oxford de cuir italien carmin à l'intérieur de l'appartement silencieux. Oui, elle connaissait sa voix chaude et lascive, ces mains épicuriennes qui antan effleuraient son corps d'adolescente. Son regard, menaçant, mais outrageusement captivant n'avait, à coup sur, également pas changé. Ils se tenaient arrogants au milieu du salon, mais chacun d'une courtoisie à dérouter le plus suffisant. Un verre de vieux Bourgogne à la main, Pénélope ne prononça pas un mot. La tension entre eux était claire et réelle : c'était un indolent mélange d'orgueil, de plaisir et de tempérance. Ils jouaient le même jeu. Impassible, elle l'invitait à poursuivre dans cette direction. « Il y a cette chose qui m'a toujours fascinée en toi. Fiévreuse, violente, oppressée. » Il susurra ces trois derniers mots d'une nonchalance volontaire au creux de son oreille. Sa voix grave était suave, et inspirait au vice. Ses gestes délicats mais sévères dans l'intention. Ses lèvres s'enfoncèrent dans son cou alors qu'il humait l'odeur de sa peau. Ses doigts parcoururent tout d'abord sa clavicule, son bras puis sa hanche, alors qu'elle demeurait de marbre à toutes ces attentions. Ce n'était pas la première fois. « Puis-je t'offrir un verre ? » s'enquit-elle alors que celle-ci serra la main de l'individu sur son flanc dans le seul but de mettre fin à ses bassesses. Son ton emprunt de flegme et de détachement marquait l'indifférence feinte qu'elle éprouvait pour le jeune homme. Ils appréhendaient chacun l'autre d'une manière passionnée et très puissante. Cependant, il n'eut rien qu'ils ne cessèrent de découvrir au fil du temps. Il l'attirait, mais lui laisser savoir ne serait qu'une preuve de faiblesse. Il en était, de ce fait, absolument hors de question. Il interrompit ses gestes. « Certainement. » souffla-t-il alors qu'il s'installait élégant dans un fauteuil Augustin, se résignant pour le moment à toute lutte. Pénélope posa son verre sur la table basse puis saisissant une seconde coupe à vin, servit son ami. Elle lui tendit, puis après un instant, articula, faussement naïve. « Que me vaut le plaisir de ta venue ? » Il ne laissait rien au hasard. En effet, chaque visite de courtoisie simulée déguisait une ou plusieurs raisons fort moins gracieuses, dans le passé. Chacune de ses paroles, chacun de ses mouvements été étudiés à l'avance en faveur d'une cause bien précise et fréquemment peu honorable. Il s'empara du contenant. « Je suis simplement venu aux nouvelles. Tu es resplendissante, à ton habitude. En trois ans, tu n'as pas changé, Penny. » Il avait prononcé ces derniers mots lentement, un sourire malsain esquissant ses douces lèvres rosées, quasi à l'instar d'une menace. Comme s'il voulait donner à chacun d'eux un autre sens : un sens bien plus lourd de signification qu'elle seule saisirait. Effectivement, il aurait échappé à grand nombre de personnes, celles-ci optant plus facilement pour une interprétation beaucoup plus courante et simpliste de la vérité. Fausse, cependant. Elle resta stoïque.

FLASH BACK - NUIT NOIRE, CAGLIARI, QUATRE ANS AUPARAVANT.
DANS LA CAVE D'UN BAR CLANDESTIN, UNE DESCENTE DE FLICS.
“Penny, va-t'en.” déclara-t-il sèchement en se levant, interrompant de ce fait les négociations pour un Cézanne. Il lui en fallut bien peu pour déceler la pensée de son fiancé. « Je ne te laisse pas là ! » protesta-t-elle, cédant peu à peu à la panique. “Va-t'en, je te dis ! Pour une fois dans ta vie, fais ce que je te dis bon sang.” Il la prit violemment par le bras puis l'entraina dans le couloir dit « secret », l'embrassa sur les lèvres, et la pria de ne pas se retourner.
« Monsieur, nous vous arrêtons pour trafic d'oeuvres d'art volées. »
Ce couloir, il garantissait à sa bien-aimée la liberté ; celle que lui venait tout juste de perdre.
FIN FLASH BACK

Le tout Cagliari avait été mis au courant, à l'époque. Néanmoins, Pénélope était connue pour ne pas fréquenter les enfants de choeur, et elle l'assumait simplement. On la représentait désormais retenue, mystérieuse mais tout-puissante à tous les niveaux, comme si le passé n'avait jamais existé : comme si tout lui avait été pardonné. On ne la connaissait plus. Ce fut un foudroyant scandale, par ailleurs. Elle s'assit confiante puis but une gorgée de vin. Il était prêt à tout pour obtenir ce qu'il désirait, quitte à blesser par tous les moyens la jeune femme qu'il avait auparavant aimé. Cependant, elle était loin de perdre contenance. C'était un jeu auquel elle excellait, et il en était conscient. Pourtant, il ne s'agissait pas seulement de cela. Il était question de se mesurer l'un à l'autre, de chercher à avoir l'ascendant : c'était un un à un, une compétition. Elle soutint son regard alors qu'il la fixait, attentif à tout changement d'attitude susceptible de lui être favorable.

« Combien ? »
Il s'avança vers elle, assuré.
« Trente mille. »
Il frôla son visage de ses doigts.
« Non. »
Il effleura son oreille de ses lèvres, troublé.
« Rien qu'une fois, c'est tout ce dont j'ai besoin. »
Il dépose un baiser, suppliant, à la commissure des siennes.
« S'il te plait... »


Pénélope se leva puis partit.
Elle était pleinement consciente de ce qu'il tramait.